J'ai gardé le souvenir très fort de ma première visite en Afrique du Sud.
C'était en juillet 1994. Je participais à la visite d'Etat qu'effectuait François Mitterrand à la tête d'une importante délégation française.
Nelson Mandela venait de prendre la présidence de la République sud-africaine, mettant un terme à un combat de plusieurs décennies contre la politique d'apartheid qui avait mis ce beau pays au ban des nations.
Les morts, la prison, l'exil, les années et les années de souffrance et d'humiliation, tout cela était terminé.
Et c'est toujours avec émotion que je repense à notre arrivée en terre sud-africaine. Après avoir salué les membres du gouvernement sud-africain, François Mitterrand présente à Nelson Mandela la délégation française. J'en profitais pour signaler au Président Mandela que j'étais, par mon épouse, le cousin d'un de ses camarades de parti (l'ANC), Max Coleman, qui venait d'être élu député.
J'eus alors droit à l'accolade de Nelson Mandela, devant un François Mitterrand surpris de découvrir une telle proximité!
Quinze ans se sont passés. Je n'ai rien oublié bien sûr, même si le pays a changé.
Avec Marie, nous devons ce nouveau voyage au bout de l'Afrique à la présence de notre fils Vincent, qui poursuit et termine un tour du monde à la voile.
Parti il y a deux ans de Marseille, il a traversé mers et océans.
Gibraltar, Cap Vert, Brésil, Panama, Polynésie française, Singapour, Sri Lanka, et puis route vers le sud pour éviter les pirates : les Seychelles, La Réunion, le Cap des Aiguilles, le Cap de Bonne Espérance, Le Cap… Avant le retour final à Salvador de Bahia.
Retrouvailles familiales donc avec Vincent, Patricia, sa femme, et Léo leur jeune fils de 4 ans pour visiter ce pays peu commun : les réserves animalières du Parc national Kruger, la visite de Soweto, Le Cap et ses environs extraordinaires (la péninsule avec le Cap de Bonne Espérance bien sûr, Table Mountain, les Vignobles, les baies magnifiques entre océan Indien et océan Atlantique).
Nous voilà donc réunis, 15 ans après une première visite "historique", dans ce pays d'environ 50 millions d'habitants, deux fois et demie grand comme la France, où l'on s'exprime dans 11 langues différentes!
Première puissance économique du continent, pays dit "à revenu intermédiaire", (PRI), en croissance continue depuis les années 1990, l'Afrique du Sud n'est pas encore parvenue à réduire les très fortes inégalités héritées de l'apartheid, et à éradiquer la pauvreté qui prévaut dans les campagnes et les townships.
L'émergence d'une classe moyenne noire ne peut masquer les faiblesses structurelles de l'économie sud africaine, les difficultés à mettre en œuvre des programmes à la hauteur des besoins en matière d'accès aux services de base, d'infrastructures, de lutte contre le Sida (taux de prévalence de 18%), de réduction des inégalités et de qualification de la main d'œuvre issue des populations "historiquement désavantagées".
Un tiers de la population se situe en-dessous du seuil de pauvreté de 2 dollars par jour. L'Afrique du Sud est confrontée à un niveau de violence et de criminalité particulièrement élevé (39 meurtres pour 100 000 habitants), la plaçant au troisième rang mondial.
Malgré tout cela, l'Afrique du Sud reste un espoir pour le développement de son continent.
Elle a joué un rôle déterminant dans l'émergence de l'Union Africaine (UA). Elle s'est fortement impliquée dans le règlement des conflits, comme en Côte d'Ivoire, au Burundi, en République démocratique du Congo, au Soudan et au Zimbabwe.
Pays du Sud, pays émergent, partenaire privilégié des pays industrialisés, l'Afrique du Sud a participé (seul pays africain) aux derniers sommets du G20 à Washington et Londres sur la réforme de la gouvernance financière.
Désormais, les projecteurs médiatiques sont tournés vers la préparation de la Coupe du Monde de Football de 2010, à la fois opportunité inédite d'investissements publics et échéance symbolique décisive pour le pays, voire le continent africain tout entier, pour la première fois hôte de cet événement majeur.
Je veux retenir l'extraordinaire rêve des responsables politiques de ce pays qui, au terme d'un combat sans pareil pour les Droits de l'Homme, entendent désormais éradiquer la pauvreté par la croissance.
Puissions-nous entendre ce message et partager même modestement leur aventure humaine, à l'image de la coopération entre l'Université de Grenoble et celle de Stellenbosch ou entre l'Ecole d'Architecture de Grenoble et l'Université de Pretoria.
Quinze ans après ma première visite, le rêve n'est pas (encore) devenu réalité. Mais l'histoire et la géographie de ce pays demeurent des atouts considérables sur lesquels les Sud-Africains pourront forger un destin qui ouvre au continent un véritable avenir.