Grenoble vient de perdre l’une de ses figures les plus attachantes. Fine, sensible, cultivée, sachant peser le poids de chaque mot, mesurant la portée de ses écrits, contribuant à rendre plus claires les complexités de notre société, Françoise Chardon était le beau visage du journalisme.
Impliquée dans la vie locale, membre écoutée du Conseil d’administration de MC2, elle aimait les autres pour ce qu’ils portent de meilleur : l’enthousiasme, l’espérance et la générosité.
Combative, elle savait parler de la maladie, visiter les patients dans les hôpitaux, participer à des colloques, refusant de s’enfermer dans la douleur, refusant de céder à la fatalité.
Françoise nous a quittés, dans la fidélité à ses amis. Jusqu’au bout.
Il y a 3 mois, blotti dans ma tente sous la neige, à 6000 m d’altitude, là-bas sur les pentes de l’Himalaya, vivant dans l’attente et l’angoisse, j’avais réussi à joindre Françoise par téléphone satellitaire. Un moment d’une rare intensité nous a réunis, brisant la distance, l’appréhension, le doute. Je devinais à cet instant précis qu’à des millions de kilomètres l’un de l’autre, en silence, nous pleurions d’émotion.
Avec Marie, ma femme, je veux exprimer à sa famille, à ses proches, à ses amis, à ses collègues, nos pensées affectueuses et fidèles. A Isabelle, sa fille qu’elle aimait tant, je veux le dire avec une tendresse particulière.
Françoise nous a quittés,
Comme l’ange de Christian Bobin dans " la vie passante " : " Un homme arrive au paradis. Il demande à un ange de lui montrer le chemin qu’ont dessiné ses pas sur terre. Par curiosité. Par enfantin désir de voir et de savoir. Rien de plus simple, dit l’ange, allez vers cette fenêtre et regardez. L’homme approche son visage de la vitre et contemple la trace de ses pas sur la terre, depuis son enfance jusqu’à son dernier souffle. Quelque chose l’étonne : parfois il n’y a plus de traces. Parfois le chemin s’interrompt et ne reprend que bien plus loin. Ces absences dit l’ange, correspondent à ces jours où votre vie était trop lourde pour que vous puissiez la porter. Je vous prenais alors dans mes bras, jusqu’au jour suivant, où la joie vous revenait- et vos forces avec elle -"
Françoise, quelle force ! Comment t’oublier ?