Le temps du retour à Grenoble est venu.
Qu'il est difficile de s'arracher de cette terre sacrée d'Israël et de Palestine, qui vous secoue, vous remue au point d'être étourdi par tant et tant de sentiments, tant et tant d'images sorties de la Bible, de la guerre, de la paix et de la guerre encore !
A l'origine de ce voyage de six jours se trame un pari un peu fou, celui de semer quelques cailloux blancs sur la "road map", avec une délégation grenobloise de 22 membres représentant la diversité des sensibilités, des croyances et des origines de notre population.
Bref, faire passer notre message d'espoir, de solidarité et de paix à nos amis de Réhovot en Israël et du district de Bethléem en Palestine, villes sœurs avec lesquelles nous développons des actions de coopération décentralisée.
A voyage exceptionnel, circonstances exceptionnelles : la situation est jugée critique, la désespérance semble partout l'emporter avec son cortège de malheurs, de souffrances, de colères ou de résignation. Mais les amis se comptent dans les épreuves. Et, je n’ai pas voulu reporter ce voyage comme m'y poussaient beaucoup de conseillers.
Et puis, le hasard faisant bien les choses, une mission parlementaire conduite par Edouard Balladur, Président de la Commission des Affaires Etrangères de l'Assemblée nationale se rend à Jérusalem aux mêmes dates, me donnant l'occasion de me mêler aux deux délégations, la française et la grenobloise.
Nous rencontrons Mahmoud Abbas dans son QG de Ramallah. Le Président palestinien est calme mais déterminé. Il a décidé de prendre de vitesse partenaires intérieurs et extérieurs. Son autorité est entamée depuis les dernières élections générales et la victoire du Hamas. Il nous indique qu'il va faire un référendum demandant à son peuple de le suivre dans sa volonté de reprendre les négociations avec Israël, mettant en avant l'exigence de libération des prisonniers palestiniens. Le pari n'est pas gagné d'avance, l'organisation même du référendum ne va pas de soi. Il se dit sûr de son résultat, ce qui le confortera sur la scène internationale et lui permettra de constituer un gouvernement palestinien d'union nationale.
Le premier ministre israélien, Ehud Olmert et sa ministre des affaires Etrangères Tzipi Livni, veulent eux aussi nous tenir le langage du dialogue et de l'objectif de paix. Ils espèrent que le président palestinien se verra renforcé dans son autorité, sans trop y croire. Ils veulent aller vite : voyage à court terme en Jordanie, au Royaume-Uni et en France, pour exposer leur plan de paix.
Nous ressortons de ces entretiens, impressionnés par l'extrême complexité de la situation, par le jeu particulièrement serré de ses dirigeants en situation eux-mêmes de grande fragilité.
Je rêve que mon pays, celui des droits de l'Homme, avec l'Union Européenne, réussisse à imposer que la Communauté Internationale s'engage fortement à travers l'ONU, ne laissant pas aux seuls Etats-Unis le rôle de médiateur, ici comme ailleurs.
Et je rêve que le concours même modeste des collectivités locales, des associations, des initiatives citoyennes, puisse jouer un rôle qui ne soit pas marginal. C’est l’objectif de notre stratégie du triangle magique Rehovot-Bethléem-Grenoble.
Rehovot est une cité dynamique. Elle a gardé en elle le souffle des pionniers. Sa croissance remarquable est actionnée par le moteur de l'innovation, des nanosciences aux biotechnologies. Son prestigieux institut Weizmann a une antenne à Grenoble. Les échanges scientifiques et universitaires se sont intensifiés avec les années. Nous rencontrons plusieurs étudiants chercheurs, français et grenoblois, heureux de leurs sorts.
Nous fixons un programme commun pour 2006 et 2007 autour de projets éducatifs et culturels qui seront portés par les villes et les comités de jumelage. La présence de jeunes musiciens en juillet 2007 à Grenoble avec des groupes de nos autres villes jumelées sera un moment fort de ces échanges. La transposition à Grenoble de leur magnifique jardin des sciences pour enfants nous semble une merveilleuse idée, capable d'éveiller très tôt des vocations scientifiques, beaucoup trop faibles, malheureusement, en France. Est décidée enfin, projet très symbolique, la réalisation d'un réseau cyber écoles avec appuis pédagogiques reliant les villes de notre triangle magique Grenoble-Rehovot-Bethléem, à l'image de ce que nous avions déjà fait avec notre vielle sœur de Constantine.
Nous arrivons à Bethléem, marqués par l'épreuve imposée aux Palestiniens dans leurs déplacements, en découvrant mur, barrière et chek-points.
Les salaires ne sont plus assurés depuis trois mois dans les services publics, déjà bien fragiles. La quête des subsides internationaux devient la préoccupation majeure. Et le gouverneur du district nous le rappelle en exigeant dans le même temps équité dans les dons et soutiens entre toutes les municipalités et équipements du district.
Nous devons y veiller, tout en sachant qu'il y a déjà des coups partis avec Beit Sahour, en particulier, pour l'aide à son fonctionnement administratif, avec l'hôpital situé à Beit Jala; ce qui n'épuise pas, bien sûr, la liste des projets possibles (bibliothèque à Beit Jalla, soutien aux actions pédagogiques et culturelles de l'Alliance française, entre autres….).
Mes pensées s'évadent, par moments, dans ce site un peu magique, celui de la nativité. Et je me surprends à imaginer d'assister une année prochaine à une messe de Noël avec ma femme Marie.
Le sommet des maires de Rehovot, du district de Bethléem et de Grenoble n’aura finalement pas lieu à Jérusalem. Nous l'avons sagement reporté à Grenoble avec l'accord de tous.
Jérusalem, terme de notre voyage, demeure à mes yeux cette ville unique, parce que tout y est unique, l'histoire, les passions, les religions et même la lumière!
La rencontre avec les Grenoblois d'Israël que nous avions conviés à Jérusalem donne lieu à un dîner convivial, rempli d'émotions liées aux retrouvailles, qu'il ne faut pas contrarier avec des discours un peu dérangeants. Et pourtant, j'ai décidé de dire à tous, partout, la même chose : la paix est une ardente et urgente obligation qui doit établir l'avenir de deux Etats-nations aux frontières sûres, reconnues et surtout viables.
C'est l'affaire des deux parties israéliennes et palestiniennes, bien sûr.
C'est celle de la Communauté internationale , sans aucun doute, car l'équilibre international en dépend.
C'est celle de tous les citoyens du monde qui se sentent concernés, élus, responsables associatifs, culturels, humanitaires ou économiques. C'est bien sûr le sens de notre politique de coopération décentralisée.
J'ose rajouter que la Ville de Grenoble désire s'inviter sur ce chemin de la paix, en raison même de son histoire, elle même unique. Protection des protestants menacés; accueil des populations venues des quatre coins du monde apporter leurs forces de travail au développement économique de notre cité; états généraux du Dauphiné en 1788 préparant la grande révolution française; et puis Grenoble, résistante et rebelle, capitale des maquis, ville Compagnon de la Libération, ville des Justes car terre d'accueil des juifs pourchassés; Grenoble, cette "petite Palestine" combattue par les nazis, a tant et tant donné pour la défense des libertés, s'est tant et tant battue pour les valeurs de tolérance, de solidarité et de fraternité, qu'elle entend contribuer, à sa façon, à son niveau, à un nouveau logiciel de paix au Proche-Orient.
Car au-delà des épreuves, des souffrances, des attentats, des murs, des barrières, doit revenir l'espoir, C’est à cet espoir qu'on essaie de se raccrocher, à la lumière de Jérusalem, à la sortie du Musée mémorial de Yad Vashem, une nouvelle fois retournés au plus profond de nous-mêmes par l'effroyable tragédie de la Shoa qui nous fait désespérer de l'humanité tout entière.
Il m'a fallu du temps pour recomposer mes pensées emportées à toutes volées, en Lituanie terre de tous les drames de ma belle-famille, à Auschwitz où j'ai pleuré avec des enfants d'établissements scolaires grenoblois que j'accompagnais il y a un an pour la commémoration du 60ème anniversaire de la Libération des camps.
Après tout cela, que croire? qui croire?
Peut-on croire que le temps de la paix, qui n'est pas le même pour tous, peut enfin revenir dans cette terre de quelques centaines de km²?
Peut-on croire à la viabilité d'un Etat palestinien qui resterait coupé en trois?
Peut-on croire qu'au bout du bout, le Hamas verra dans Israël un peuple qui a droit, comme tous les autres, à une patrie et à un Etat, en toute sérénité?
Peut-on imaginer qu'Ehud Olmert, nous recevant dans cette salle historique du Conseil des Ministres de l'Etat d'Israël, parlait avec l'assurance de la sincérité de son être et de la stabilité de ses fonctions, pour imposer le dialogue aux tenants de l'unilatéralisme, et pour trouver les moyens pacifiques du rapatriement des colons?
Faut-il redouter le risque d'armement atomique de l'Iran et l'emprise progressive de ce pays et de son fondamentalisme sur le Moyen-Orient?
"In cauda venenum" : c'est dans la queue que se cache le venin… Les intentions sont nobles. Lest déterminations sont fortes. On redoute toujours l'issue.
Au terme de ce voyage, a encore grandi en moi ce profond sentiment de complexité de la situation.
Je redoute toujours les ravages auxquels conduisent les postures et les déclarations définitives, bardées de certitudes, d'autant plus affirmées d'ailleurs qu'elles ne sont étayées par aucune étude historique et géopolitique sérieuse, encore moins par une approche de terrain approfondie!
J'ai l'impression que ce voyage aura permis à la délégation grenobloise de revenir avec une volonté d'agir avec discernement, esprit de dialogue et acceptation de la complexité. Cela ne signifie ni renoncement ni manque d'ambition. Cela signifie au contraire beaucoup de détermination et de courage, pour apporter une contribution utile à deux peuples qui ne peuvent envisager leur avenir qu'en entremêlant leurs destins, faisant du problème des frontières non pas le premier mais le dernier des objectifs à poursuivre. Il n'y a pas d'avenir économique, social et finalement humain s'il n'y a pas de volonté de déserrer l'horizon.
"L"universel, c'est le local sans les murs" aimait dire le poète portugais Torga. Après l'ère des check-points, l'universel se bâtira peut-être à partir de cette terre historique de quelques centaines de km² qui a tant et tant à nous apprendre !
J'ai profondément aimé ce voyage, la découverte de nouveaux lieux mythiques, la rencontre de nouvelles personnalités qui font l'Histoire, la redécouverte de mes compagnons de voyage. Au fil des jours, se sont noués entre nous des liens de forte complicité, nourrie par les émotions partagées, par les échanges souvent passionnés. Une amitié est née ou s'est renforcée.
Ce n'est pas la paix que nous ramenons, mais c'est malgré tout un peu d'espoir ! Et ce n'est pas rien.
Vendredi 9 juin
en vol entre Asie et Europe.
Cher ami,
tu me parais très touché.
La visite aurait eu lieu un peu plus d'un an avant, tu aurais alors rencontré J-P et V qui étaient en poste à Gaza.
Ils sont aujourd'hui en Haïti, autre pays de souffrance et qui a besoin de solidarité.
À bientôt.
J.
Rédigé par : Jocelyn | 14 juin 2006 à 16:45
Bonjour Mr le maire, député,
je vous écris ces quelques lignes suite à ce qui s'est de nouveau passé en PAlestine cette semaine et je vous demande avec de nombreuses autres personnes de
1 la suspension de l'accord d'Association Union Européenne-Israël
2 la mise en application de l'article 1 de la Convention de Genève
3 la cessation de toute collaboration avec le gouvernement israélien, en
particulier dans les domaines scientifique, économique, technologique et
militaire.
Nous sommes désemparés de ce qui se passe sans plus entendre quoique ce soit à l'encontre d'Israel et de sa force destructrice..
MArie-PAule.
Rédigé par : GMP | 12 novembre 2006 à 16:07
J'apprécie beaucoup le ton de vos articles.Il tranche avec la langue de bois en usage chez les Politiques.Merci pour cette vérité. Merci pour cette sensibilité.
A propos de la Lituanie, des photos inédites ou rares (droits réservés)des années 30 à Wilno (alias Vilnius) sont présentées dans les rubriques du site-blog "lamaisondeclaudine.com"
Très chaleureusement à vous.
Rédigé par : Cerf | 04 janvier 2007 à 21:26