C'est avec inquiétude que j'avais appris, début mai, que le célèbre libraire Pierre Berrès allait mettre en vente une large part des trésors littéraires qu'il avait acquis au fil des ans, parmi lesquels les six cahiers du Journal de Stendhal qui manquent à la bibliothèque municipale d'étude pour constituer le seul exemplaire complet d'origine.
En effet, le coût estimé de ces pièces exceptionnelles se situait entre 700 et 900 000 euros, une somme hors de portée d'une collectivité comme la Ville de Grenoble. Je me suis donc immédiatement tourné vers le Ministre de la Culture, auquel j'ai écrit dès le 3 mai pour lui demander que l'Etat exerce son droit de préemption et utilise le dispositif légal permettant de protéger ce trésor national. Je savais toutefois que d'une part, les responsables de la Bibliothèque Nationale de France étaient face à des choix difficiles compte tenu du nombre des pièces uniques mises en vente (un exemplaire corrigé de la Chartreuse de Parme, des pièces rares de Mallarmé, Apollinaire, Proust, Rimbaud ou Baudelaire…), et que d'autre part l'Etat ne communiquait jamais sur ses intentions – fort justement – pour ne pas faire artificiellement monter les enchères. Il était donc indispensable d'organiser une mobilisation aussi rapide que large si nous voulions que la cause Stendhalienne et Grenobloise soit entendue.
Dans le même temps, grâce à la complicité de mon ami Pierre Bergé, j'ai donc organisé une exposition unique avant la vente de ces cahiers afin de sensibiliser l'opinion publique, les collectivités locales et les mécènes privés, dont le partenariat était indispensable pour réussir cette opération. En quelques semaines nous avons pu confirmer à l'Etat des engagements financiers de mécènes pour un montant proche de 500 000€ et l'engagement de la Ville de Grenoble, du Conseil Général de l'Isère et de la Région Rhône-Alpes pour un montant maximum de 100 K€ par collectivité. Sur le fondement de ces engagements, l'Etat a exercé pour le compte de la Ville de Grenoble son droit de préemption sur ces cahiers, pour un montant de 800 K€ hors frais, ce qui a constitué une formidable nouvelle pour Grenoble et les Stendhaliens.
Ce succès émouvant pour tous les amoureux de Stendhal récompense l'action opiniâtre initiée par la Ville de Grenoble, qu'avec Jérôme Safar, adjoint à la Culture, nous avions aussi voulue discrète par souci d'efficacité. Il s'agit d'une réussite culturelle majeure pour Grenoble pour lauqelle j'ai tenu à remercier Renaud Donnedieu de Vabres, Ministre de la Culture, l'association Stendhal et son président Gérald Rannaud, qui se sont fortement mobilisés au service de cette acquisition, ainsi que les nombreuses personnalités nationales, comme Mona Ozouf et Jean Lacouture, qui nous ont prêté leur concours pour sensibiliser l'Etat à l'intérêt de conserver en France ce véritable trésor national.
L'intégralité de ce manuscrit exceptionnel sera ainsi reconstituée dans la ville de Stendhal. Ce document d'un intérêt patrimonial unique demeure dans notre pays et il sera prochainement consultable par le public sur internet, avec l'ensemble du patrimoine Stendhalien – quasi-exhaustif en fonds manuscrits – conservé à Grenoble.
C'est bien la preuve qu'avec de la détermination et un peu d'audace, on peut encore réussir des missions – culturelles – que certains croyaient impossibles !
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