L'annonce par l'Etat de la mise en œuvre de pôles de compétitivité s'annonçait prometteuse.
La procédure retenue devait permettre de rompre avec une logistique trop fréquente, et devenue avec le temps peu efficace, celle d'une simple approche par filières.
En effet, cette logistique néglige les synergies qui se créent sur les territoires.
Certes, toutes les villes de France ne peuvent prétendrent être des "clusters", car ceux-ci se caractérisent par une culture scientifique et technique et des relations privilégiées entre l'université, la recherche et l'industrie.
Cette excellence demande une taille critique et un enracinement dans le temps. Elle doit, de plus, éviter les territoires marqués par une mono-industrie.
La compétition mondiale à laquelle nous sommes aujourd'hui confrontés nécessite de développer l'innovation plutôt que de se lancer dans une vaine concurrence avec les pays à plus bas salaires. Pour tenir notre rang dans la mondialisation, nous devons concentrer les efforts de l'Etat sur quelques pôles que l'on peut définir réellement comme de compétitivité. C'est à partir de ces points d'appui que l'on maillera le territoire en travaillant en réseau.
La logique des réseaux, forts et structurés, est plus efficace que celle du saupoudrage, qui ne permet l'émergence d'aucune activité internationale.
Cette affirmation sonne comme une évidence. Elle a pourtant été bien loin d'avoir inspiré la décision de retenir 67 pôles de compétitivité pour satisfaire tous les territoires!
Heureusement, le bon sens a fini par prévaloir après le CIAT de juillet: il a enfin été adopté un classement qui distingue, entre ces 67 heureux élus, quels sont les pôles réellement mondiaux (au nombre de 6), les pôles nationaux et les pôles simplement régionaux.
Cependant cette hiérarchie n'est pas encore assez nette, et on peut regretter qu'elle ait privé les pôles mondiaux d'un effet d'annonce plus fort.
Par ailleurs, la situation est encore plus floue pour le Fond Interministériels à l'Aménagement du Territoire. Il ne semble pas avoir résolu le dilemme qui commandera des décisions lourdes en matière de promotion des pôles de compétitivité.
Faut-il aider les pôles les plus en vue, les plus compétitifs mais qui sont déjà dotés? Ou faut-il ne soutenir que les pôles de moindre importance, qui sont ceux ayant le plus besoin d'un rattrapage? Il est vrai que la concentration des moyens sur quelques pôles donnerait l'impression d'abandonner les autres territoires; or la logique de la solidarité nationale ne peut pas être purement libérale. Mais dans le même temps, on ne peut pas avoir un regard purement franco-français sur cette question: la dilution des moyens ne rendrait pas compétitifs au plan mondial et tirerait en fin de compte tous nos territoires vers le bas. Pour autant, la compétitivité de notre pays assurée par la sélectivité des pôles ne profiterait pas automatiquement à l'ensemble de notre territoire. Il faut donc conduire une politique d'aménagement du territoire qui s'appuie sur des points forts sans oublier la solidarité en réseau, qui reste encore largement à organiser.
Comment, à cette fin, mettre en œuvre nationalement une véritable politique de financement bien coordonnée au plan local ? Le Ministère de l'Industrie, le Ministère de la Recherche, l'agence de la recherche et l'agence de l'innovation sont bien sûr les acteurs désignés de cette coordination. Mais la cohérence entre ces directions encore largement autonomes est loin d'être assurée.
Un autre point à ne pas oublier dans la définition des pôles de compétitivité est la prise en compte de tous les secteurs contribuant à l'excellence d'un territoire (énergie, transports, etc…), synergies et transversalité étant les maîtres mots de l'innovation, sans laquelle les pôles retenus ne seront pas véritablement compétitifs.
La dernière problématique, et non la moindre, des pôles de compétitivité est bien entendu leur rayonnement. Les pôles ne pourront pas se développer dans des logiques simplement nationales. Les collectivités concernées attendent de savoir ce que l'Etat envisage au plan européen, qui est le niveau le plus performant pour asseoir une véritable stratégie d'innovation dans le monde. Rappelons par exemple que la région Rhône Alpes équivaut en terme de population à la seule ville de Shanghaï !
Nos collectivités n'existeront au XXIe siècle que structurées en réseaux qui dépassent les frontières nationales. Nos points forts ne s'épanouiront qu'au plan européen. Il faut donc encore se battre pour promouvoir l'émergence de pôles européens puis assurer leur développement.
L'absence de stratégie industrielle et le manque de moyens budgétaires constituent de redoutables obstacles. Il est plus que temps que l'Europe se réveille enfin dans cette mondialisation sans règle et sans foi!